St Malo – Romains et Chrétiens en la Cité d’Aleth

Alet ou cité d’Alet (on écrit également Aleth) se trouve aujourd’hui dans le quartier de Saint Servan à Saint Malo, au débouché de la Rance. Cette presqu’île hébergea la riche capitale gallo-romaine des Coriosolites et l’un des premiers lieux de culte chrétien de la région, la cathédrale d’Alet
Cité fortifiée depuis les Romains, un fort y est construit à la grande époque malouine, lui-même réaménagé par les Allemands pendant la Seconde Guerre Mondiale …. C’est aujourd’hui un agréable lieu de promenade à la découverte duquel nous allons partir.

Cité d’Alet

 

 

Des Coriosolites aux Romains ….
Certains pensent que l’estuaire de la Rance fut utilisé comme base commerciale par les Phéniciens, mais sans vraiment beaucoup de preuves, peut-être une croix helléniste gravée dans une roche dans l’anse St Père (une des anses à côté du Fort Solidor) serait l’attestation de leur passage (pas trouvé d’info réellement « certifiable » sur le sujet)
On sait par contre que le site fut occupé par le peuple des Coriosolites, un des 5 peuples celtes d’Armorique, qui en fit sa première capitale et par les Romains.
On pense que le site accueillait dès le 1er siècle avant JC un port gaulois d’échouage qui déservait un axe maritime avec la Bretagne insulaire, hypothèse suite à des découvertes de monnaies et vaisselles coriosolites sur l’île anglaise.

Cité d'Alet - Anse Solidor
Cité d’Alet
Anses Solidor derrière la Tour
et anse St Père au 1er plan
non recouverte par la mer à l’époque gallo-romaine

 

NOTE : Il faut alors imaginer une topographie différente des lieux, une barrière alluviale naturelle formant une sorte de cordon naturel entre l’actuelle pointe de Dinan et le bout de la presqu’île d’Alet … avec une sorte de lagune intérieure, le promontoire de l’actuelle Tour Solidor n’étant alors pas entouré par la mer ….

Les cartes du Centre de Recherche Archéologique d’Alet illustrent bien ce fait :
-> Cartes du Port d’Alet à l’époque gallo-romaine

 

Les fouilles sur le promontoire d’Alet ont permis la découverte de restes d’habitats, de foyers, silots, fosses et de monnaies et vaisselles coriosolites estimant la présence d’un habitat des Coriosolites sur cet épéron, lequel était barré par un fossé ou une barrière, dès 80 avant JC.
Puis vient l’époque de la romanisation, l’Armorique ayant été conquise vers 56 avant JC. C’est le début des constructions en pierre. La ville d’Aleth est une première fois délaissée par les Coriosolites vers 14 après Jésus-Christ (ils se regroupent autour d’une nouvelle capitale Corseul ). Il semble que la cité ait alors été incendiée par les Romains, peut-être après des révoltes. Il n’en reste que la station maritime à ses pieds, sous le nom pré-romain de Reginca (Rance). On en trouve notification sur la Table de Peutinger (une carte qui montre les villes et routes principales romaines mais dont la datation est compliquée … pour plus d’infos ICI )

Cité d’Alet – Tour Solidor et anse Solidor
quelque part au pied des rochers des arches menant à la tour se situaient la station de pompage et les bassins de rétention d’eau (et peut-être un vivier) – sont visibles à marée basse sous la couche d’algues ….

 

L’importance du port s’accroît entre navigation fluviale et échanges maritimes. De cette époque intermédiaire ne restent que des vestiges d’une station de pompage découverte lors de fouilles en 1973. Situé dans le port Solidor, celle-ci permettait l’approvisionnement en eau douce des bateaux . Elle comprenait une machinerie avec des pistons en bronze et alimentait des fontaines par 7 canalisations. Cette réserve d’eau douce était alimentée par une source jaillissant sur le rocher.
Quelques photos avec explications sont accessibles sur le site Val de Rance.

 

Cité d’Alet – quelque part sous la Tour Solidor, les bassins de rétention d’eau gallo-romains

 

Vers 270-280, le risque barbare vient de la mer. Le promontoire d’Alet est fortifié par les Romains qui y regroupent leurs troupes, délaissant Corseul. Un rempart est construit, de 3 à 4 mètres de hauteur et 1m50 d’épaisseur, en suivant le contour des falaises sur à peu près 1400m. Ce rempart est muni de tours carrées. et inclus le port. Il n’en subsiste aujourd’hui qu’un petit pan de mur face à St Malo, et certaines des fondations de l’enceinte de la tour Solidor.

Cite d’Alet – les restes des fortifications romaines (au fond le port de St Malo)

 

La cité redevient alors la capitale de la civitas (du district) des Coriosolites.
Elle est aussi au centre d’une région agricole dont on a recensé les traces de plus de 500 établissements sur un rayon de 35 km. Des textes y attestent la présence d’une légion romaine (la légion de Mars) et d’un préfet militaire.
Au milieu du IVème siècle, la station de pompage et les anses Solidor et St Père sont envahies par la mer, la ceinture alluvionnaire qui supportait le port d’échouage ayant naturellement lâché. Le rocher Solidor devient un point stratégique et un fort y est aménagé protégeant le nouveau port installé dans l’anse en bas des remparts.

St Sevan et la Tour Solidor
au premier plan se situait le nouveau port gallo-romain

 

Vers 380 après Jésus-Christ, un quartier du centre de la ville est aménagé pour accueillir le principia (quartier général) d’une troupe de soldats. Mais petit à petit les troupes romaines quittent la cité pour défendre les frontières orientales de l’Empire et ne reviennent pas … En 420, Alet est toujours considérée comme la capitale d’une civitas romaine, mais l’administration l’a désertée !

Bon je n’ai pas de photos de tous ces vestiges …. mais si vous y allez, observez bien les murs de la Tour Solidor, et si vous voyez un parement de briques au milieu des pierres, il y a fort à parier que ce soit un reste des fortifications romaines …. de même à marée basse, il est possible d’apercevoir quelques restes de l’ancienne voie qui reliait la ville à l’ancien port (aujourd’hui sous la mer) ou les bassins de rétention d’eau douce sous une épaisseur d’algues …..  A vos bons yeux !!!

 

L’ancienne Cathédrale d’Alet
Dans les années 1970, des fouilles ont mis à jour les vestiges de l’ancienne cathédrale d’Alet.

Saint Servan – Cité d’Alet – vestiges de l’ancienne cathédrale
au premier plan une des 2 absides, la nef et les bases des piliers des arcades
au fond la seconde abside restaurée avec l’autel

 

Vers 575, le gallois Maclow ou Malo (le futur Saint-Malo) commence l’évangélisation des habitants d’Alet. La ville devient le siège d’un évêché. Celui-ci n’est définitivement confirmé qu’au milieu du IXème siècle par le roi Nominoë (qui fut à l’origine de l’unification de la Bretagne dont il fut le souverain de 845 à 851). Il s’agit donc d’un des plus ancien lieu de culte chrétien de la région.

Saint Servan – Cité d’Alet – les fouilles de 1972-1978 effectuées sur le site de l’ancienen cathédrale.

 

La cité d’Alet était donc dotée d’une cathédrale sous le vocable de Saint Pierre. On pense qu’elle fut à l’origine construite sur les fondations de l’ancienne principia romaine, tout au moins dans le même secteur ….. puisque le fouilles ont permis de retrouver les traces d’un grand édifice gallo-romain, sans doute à l’origine des premiers bâtiments épiscopaux de la cité (suivant le panneau indicatif).

La cathédrale carolingienne sera incendiée par les troupes de Charlemagne, et les Normands au début du Xème siècle. Les fouilles ont montré que sa façade était entourée de 2 tours carrées.
Une nouvelle cathédrale sera  reconstruite vers le XIème siècle, avec sans doute des modifications au XIIIème. A l’époque elle comprenait une nef et 2 collatéraux séparés par 7 arcades en plein cintres reposant sur des piliers carré sans chapitraux. La nef de 43 mètres se terminait par 2 absides semi-circulaires.

Saint Servan – cité d’Alet – l’abside restaurée de l’ancienne cathédrale

 

Son déclin apparait avec l’installation des Vikings sur la Rance, elle est remplacée vers 1150 par la cathédrale de Saint Malo, où l’évêché s’est établi. Les habitants de la cité acceptent mal ce transfert et viennent à se révolter en 1255 contre les malouins. En représailles une partie des remparts, le château de Solidor et même la cathédrale sont rasés.  L’abside orientale est peut-être partiellement épargnée, on sait qu’elle sert encore de chapelle à cette population au XVIIème.
On peut encore en voir les vestiges restaurés en 1868 (à cette date la chapelle est de nouveau bénite), ainsi que ceux des soubassements. L’église porte aujourd’hui le nom de Chapelle Saint-Pierre.

Saint Servan – Cité d’Alet – l’abside restaurée de l’ancienne cathédrale
base de colonne antique servant de bénitier ?

 

En fouillant un peu sur Internet pour trouver des informations pour cet article, j’ai eu la surprise de trouver de vieilles cartes postales ou photos montrant cette chapelle Saint Pierre à Saint Servan dotée d’un toit et d’un portail, à l’arrière de l’autel actuel, et accolée à une maison …. (sur d’autres cartes, on distingue mieux la fenêtre en haut à gauche de l’abside par exemple … ). Ces images attestent de la restauration et de l’utilisation de la chapelle jusqu’au XXème siècle mais je n’ai trouvé aucune information du pourquoi du réaménagement, de nombreux bâtiments semblant aussi avoir disparu autour de cette place depuis les fouilles des années 1970.

les funérailles de Louis Duchêne à la chapelle saint Pierre de Saint Sevran en 1922.
source Wikipedia, image sous Creative Commons

 

Suite de nos découvertes dans un prochain article …. à bientôt !

 

SOURCES

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