l’Epaule de Gallardon

En approchant de la petite ville de Gallardon,  deux constructions se distinguent de très loin : son clocher élancé et une structure ressemblant à une tour à laquelle il manquerait une moitié. Et plus on s’approche plus on s’étonne de l’équilibre de cette dernière …
Il s’agit de l’Epaule de Gallardon, seul vestige du château médiéval et de son enceinte fortifiée.

Epaule de Gallardon

 

Bon allez, comme d’habitude petit cours d’histoire ….

Pour ma part, j’ai vraiment intérêt à réviser mon histoire médiévale, je la trouve de plus en plus compliquée au fil de mes recherches pour mes articles (Geoffroi I ou II, Hubert, Hervé, mais ils se ressemblent tous dans cette famille ! .. quel Charles, mais Jeanne elle était déjà morte ? … questions sorties de mon petit cerveau en essayant de recouper les différentes sources …)  J’espère ne m’être pas trop emmêlée.

 

Forteresse et Enceinte Médiévales — Un peu d’Histoire

Un bastion existait peut-être sur ce promontoire vers les VII-VIIIe s. La première forteresse de Gallardon daterait du Xème siècle, probablement construite en bois. Elle appartenait sans doute à Guillaume, chevalier de Saint Prest, le plus ancien seigneur de Gallardon connu, mais il en fut chassé par le roi Robert qui fit raser le château.

Les querelles de Fulbert et Geoffroi

Ces terres échoient au XIème siècle à Geoffroi vicomte de Chateaudun et comte du Perche qui en 1025 fait reconstruire en pierre la forteresse. On en retrouve la trace par des écrits de Fulbert, alors évêque de Chartres, qui s’en plaint auprès du roi et menace d’interdire toute célébration religieuse dans le diocèse. Il excommuniera Geoffroi qui lui se vengera sur les terres de l’évêque ! Un vitrail de la cathédrale de Chartres en témoigne encore ! Pourquoi cette querelle ? Parce que Geoffroi, en construisant Gallardon et une autre forteresse à Illiers, aurait pu menacer Chartres, et ainsi les terres de l’église, dont Fulbert protégeait l’indépendance. Geoffroi se soumettra en 1029 et fera construire l’église du Saint-Sepulcre de Chateaudun pour son pardon.

les Fortifications

Le château était constitué d’une basse-cour, du donjon de 38 m de haut, le tout entouré d’une enceinte quadrangulaire de 350 m flanqués de 8 tourelles et protégées de fossés de 20 m de large pour 8 m de profondeur. Cette tour servait de logis pour les gardes et comme elle dominait alors les alentours elle servait aussi de vigie, prévenant de toute attaque voire invasion.

Les fortifications de la ville se renforcent elles aussi au fil du temps. Le bourg prenant de l’importance au XIIème siècle, Hervé de Gallardon fait ajouter 5 portes chacune dotée d’une herse, d’un pont-levis et d’un bastion. Ces portes sont la Porte Mouton, Notre-Dame de la Fontaine, les portes de Chartres, de la Herse et de la Bretonnnière. Elles étaient entourées de fossés secs sur les pentes (par exemple au niveau de la Place du Jeu de Paume actuelle) ou de douves remplies d’eau du côté de la vallée. Dans une autre référence, on parle aussi de la porte de Gas.

En 1316, une chapelle sous le vocable de la Sainte Trinité est construite dans l’enceinte du château par Jeanne, dame de Gallardon.

 

Sièges et destruction

Lors de la guerre de 100 ans, la forteresse subira 8 sièges consécutivement (de 1358 à 1443). En 1417 la ville est prise par Jean duc de Bourgogne par exemple.

En 1443, la ville est tout d’abord perdue par le Dunois (un ancien compagnon de Jeanne d’Arc) qui en faisait le siège face aux Anglais puis reprise peu de temps après …

Le donjon est détruit par Dunois sur l’ordre du Dauphin, futur Charles VII, afin d’éviter qu’il ne retombe aux mains des Anglais. Il fera démolir le château grâce à un travail de sape des fondations par le creusement d’un tunnel aux étais duquel le feu est mis, entraînant l’écroulement du bâti. Pourtant une partie de la tour restera debout et l’est toujours depuis plus de 500 ans !

Le château appartenait à cette époque au duc Jean d’Alençon, comte du Perche, qui tenta de s’allier avec les Anglais contre Charles VII.

Les archives de la ville seront semble-t-il détruites à la même époque ce qui ne laisse aucun document « direct » de ces périodes sauf de très rares écrits relatant ces faits d’armes.

 

Disparition des Portes

Au XVIIème, les vestiges des murailles existent encore, une lettre patente du roi datée de 1655 élevant la baronnie au titre de marquisat parle d »‘une petite ville fermée de murailles … » Seules 2 estampes nous permettent d’imaginer la ville à cette époque, avec son château en ruines et son enceinte.

La première est cette reproduction d’une gravure de Cl.Chastillon (1560-1616, ingénieur topographe du roi) sur laquelle on voit distinctement la tour en ruines entourée de son enceinte rectangulaire dont quelques pans sont écroulés et quelques tourelles, le reste des bâtiments de la forteresse étant invisibles, on peut supposer qu’ils ont été rasés.

(Le document original dans son ensemble comprend un détail sur la partie château mais aussi une autre estampe sur l’ensemble de la ville avec porte et enceinte, il est visible sur archives28.fr dans le fonds iconographique, collection Jusselin (lien direct) ). 

Chastillon - Ruine du château de Gallardon
détail d’une gravure de Cl.Chastillon (1560-1616) – Gallardon à la fin du XVI/début XVII – (cf source 3) — la tour – les restes de l’enceinte quadrangulaire du château en partie détruites et au moins 6 tourelles dont 1 poterne d’entrée — L’auteur du livre (postérieur à la gravure) pense que la petite tourelle juste à gauche de la tour  pourrait être la chapelle de la Ste Trinité (?)

 

La seconde est réalisée par Tassin (celui-ci était sans doute cartographe du roi, pas beaucoup d’informations sur lui … il a édité en 1636 « Plans et Profils de tovtes les principales villes et lievx considérables de France« . On y voit encore l’enceinte, les tourelles et des portes ….

reproduction d'une estampe représentant "Gaillardon" tirée d'un ouvrage de Tassin
reproduction d’une estampe représentant « Gaillardon »
tirée d’un ouvrage de Tassin (XVIIe)/1643
(source vente Ebay et panneau descriptif au pied de l’Epaule de Gallardon)

 

Jusqu’en 1751, on arrivait de Chartres dans Gallardon par le hameau du Pont (l’actuel Pont-sous-Gallardon) par « une cavée longue et tortueuse, sans doute une ancienne tranchée » qui est remplacée par un nouveau chemin peu après.
A la même époque les portes de la ville existaient encore. Elles sont décrites par Saunier (source 2) avec des vestiges de bastions qui en défendaient l’entrée. Il rajoute qu’en 1707 des corps de garde y existaient encore, couverts de tuiles avec la place de la herse et l’emplacement des bascules de pont-levis. Mme de Bullion, veuve du marquis de Gallardon, demanda à ce que ces tuiles soient enlevées suite au danger que présentait leurs chutes répétitives pour les passants … de ce fait les bâtiments non protégés commencèrent à dépérir.

CPA - Porte Mouton - Gallardon
CPA – Gallardon – Porte Mouton (source geneanet.org )

 

En 1775, les portes de la Bretonnière et de Notre-Dame sont démolies pour servir de matériau lors de l’empierrage des chaussées, l’élargissement du Pont Notre-Dame sur la route de Montlouet et des travaux sur Notre-Dame de la Fontaine. On cherche alors à relancer l’économie de la ville en créant de nouvelles foires (la foire annuelle de la Saint Mathieu n’attirant plus grand monde) et pour cela il faut des chemins d’accès praticables.

Si on essaie de se situer par rapport au plan actuel de la ville, aux noms des rues et ce que l’on sait des démolitions des portes :

  • La  Porte Notre-Dame tout d’abordElle se situait en léger décalage par rapport à l’actuel pont menant à Montlouet, longtemps appelé le Pont Notre-Dame, et situé au bout de l’actuelle rue Notre-Dame en bord du ruisseau de l’Ocre.
  • Puis la Porte de la Bretonnière se situerait au niveau de la mairie, au bout de la rue Pierre Martin.
  • La Porte de la Herse serait à l’intersection entre la route de Gallardon et la rue du Marché au Blé. Elle se situerait par conséquent au niveau du Monument aux Morts – anciennement appelé aussi le « Coin de Gas« 
  • la Porte de Chartres serait logiquement en bas de la rue qui porte son nom actuellement, rue de la Porte de Chartres, en bordure du canal.
  • La Porte Mouton finalement subsistera seule jusqu’en 1848. On la situerait actuellement un peu après la rue descendant vers le collège (vers le hameau de Marly à l’époque), la rue en a gardé le nom rue de la Porte Mouton.

Pour avoir un aperçu du village à cet époque, je vous renvoie au site généalogique de la famille Pelletier qui présente 2 tableaux : le premier montre la ville avec son enceinte vers 1780, le second au début du XIXe présente la porte Mouton avant sa destruction (collection privée donc je ne vous mets que les miniatures).

Une plaque sur la tour explique que cette dernière a été offerte à la ville de Gallardon en 1913. Don sans doute par le domaine d’Eclimont dont elle était encore une dépendance à la fin du XIXe. Les propriétaires étaient les descendants des marquis de Gallardon et Bullion. Elle est classée aux Monuments historiques la même année.

 

Pourquoi parle-t-on d’Epaule de Gallardon ?
  • parce que sa forme rappelle celle d’une épaule de mouton !
  • pour rappeler le déshonneur de la perte du château ?  Une autre interprétation trouvée dans un vieux texte parle du déshonneur. En effet autrefois une fille déshonorée était appelée « bête épaulée« , ce qui aurait pu par extension être le cas de la forteresse (source 1)

 

 
L’Epaule de Gallardon aujourd’hui

En 2014, la municipalité met en valeur le site. Celui est rendu plus accessible  et agréable car nettoyé, dégagé et fleuri. Des panneaux explicatifs jalonnent la ville dont 2 concernent directement l’Epaule. L’un est sur le site de la tour, et l’autre est plus bas dans la ville concerne l’enceinte).

 

En chiffres :

  • hauteur actuelle 38,4 m
  • diamètre extérieur 18 m – intérieur 9 m
  • épaisseur des murs à la base 4,5 m – au 1er étage 3 m

Elle est construite en pierre meulière de Germonval, un hameau proche. Elle est réputée pour sa solidité. Elle est mélangée de silex, de mortier à la chaux, de sable et de brique pilée.

Selon les panneaux explicatifs du site, l’emprise extérieure du château portait sur 9800 m². Elle était de 5100 m² en intérieur.


Le rez-de-chaussée ne comportait aucune ouverture. Il devait servir de réserve de nourriture et d’armes, et a une hauteur de 10m.

Epaule de Gallardon
Epaule de Gallardon

 

Le premier étage servait de logis pour les soldats. C’est à ce niveau que se situait la porte d’entrée à laquelle on accédait par une échelle.

Il était voûté d’arêtes en blocage et possédait aussi un puits. Ce dernier perçait depuis le bas dans la maçonnerie. On y voit encore une archère et la trace du conduit du foyer qui monte dans l’épaisseur du mur jusqu’au sommet.

Epaule de Gallardon
Conduit de cheminée

Epaule de Gallardon
Archère du 1er étage

 

On y accédait par un escalier aménagé dans l’épaisseur du mur.

Un deuxième étage était séparé du premier par une voûte qui renforçait la structure de la tour. On y voit encore une archère et des vestiges de latrines.

Au troisième étage on distingue les trous permettant de recevoir les poutres du plancher supérieur.

Epaule de Gallardon
Archère du 2eme étage – trace de la voûte sur le bas – trous pour poutres au 3eme

Epaule de Gallardon
créneaux du dernier étage

 

Le dernier étage comportait des créneaux, merlons et mâchicoulis d’où des projectiles étaient lancer sur les assaillants. Ce procédé fut ramené des croisades par le seigneur de Gallardon au XIIIe.

 

SOURCES 

Outre les panneaux informatifs situés dans Gallardon, quelques liens utiles :

* Pour avoir une idée de l’agencement du Gallardon médiéval (le château, son enceinte et les portes) par rapport à la ville actuelle, je vous conseille une visite sur le site de Théodule, dans son article sur l’Epaule de Gallardon il/elle a juxtaposé les « plans » contemporain et un daté de 1750 … intéressant (bon par contre la photo des remparts n’est pas de Gallardon … )

* Sur les querelles de Geoffroi et Fulbert, France Ballade et La Revue Archeologique (1854-1855) dans laquelle un article écrit par Doublet de Boisthibaults retrace l’histoire de la forteresse de Gallardon. Beaucoup des détails de mon article sont tirés de celui-ci, plus ou moins recoupées avec les autres sources.

* Chemin historique et touristique en Ile-de-France pour quelques détails architecturaux.

* sur les gravures et estampes de Tassin : Tassin

* le site généalogique de la famille québécoise descendants de Nicolas Pelletier apprenti charpentier originaire de Gallardon au début du XVIIème siècle ! une source d’informations sur le village !

* site du Syndicat d’Initiative de Gallardon

1 – Estampes mythologiques des Celtes, Gallo-romains et Francs pantomimés hydrographiquement par les religieux …. par A.Dujardin 1904 (p.112)

2 – Bulletin Histoire de la Beauce 1991 – Les Marquis de Bullion  – (lien internet mort). Les baron et marquis de Bullion furent responsables des travaux d’aménagement de Gallardon au XVIIIe notamment sur les routes venant de Chartres et de Montlouet . Je pense que certaines des informations dans cet article sont reprises des « Notes historiques sur le Marquisat de Gallardon » écrit par Saunier en 1773.

3 – Eglises et Chapelles du Diocèse de Chartres – par l’abbé Ch.Métais – Archives du Diocèse de Chartres (1900) – biblio.Université du Michigan, digitalisé par Google (Les Chapelles de Gallardon p.285  – les images ne sont visibles qu’en téléchargeant le pdf)

 

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