Les murs de la capitale sont devenus au cours de ces dernières années une formidable plateforme d’expression pour les artistes, comme dans beaucoup de villes belges d’ailleurs.
Il existe deux parcours officiels pour découvrir ces œuvres. Nous avons eu un aperçu de celui consacré à l’univers de la BD dans le précédent article avec le Parcours BD. Il en existe un autre qui tente de recenser les fresques de Street Art « officielles », lui aussi créé à l’initiative de l’Echevinat de la Culture de Bruxelles : le Parcours Street Art.
Ceci dit, en cherchant bien sur Internet, vous pourrez dénicher d’autres circuits qui essaient d’incorporer des œuvres plus ou moins éphémères, comme par exemple les circuits de Vivre à Bruxelles. N’hésitez pas non plus à faire un tour sur les réseaux sociaux notamment sur Instagram en jouant avec les hashtags (#brusselsstreetart, #streetartbrussels, #bruxellesstreetart, etc …. ). Vous n’aurez que rarement les localisations mais cela vous donnera un bon aperçu de l’effervescence artistique sur les murs bruxellois.
Pour notre part, nous nous sommes consacrés sur cette journée à surtout repérer les monuments historiques, donc pas de parcours street-art pour nous, mais quelques petites pépites dénichées lors de notre balade dont plusieurs incontournables, auxquels s’ajoutent quelques petits clins d’œils de l’humour belge ou de son impertinence, au choix. 😉
Dans la Rue du Chêne
Partons du Manneken-Pis. Je ne vais pas m’attarder sur celui-ci, en habit de fleurs pour le Flowertime en août … Non. Ce qui m’a intéressée, c’est cette sorte de mosaïque sûrement non officielle mais qui semble être restée tout l’été et a depuis disparu, juste à gauche de la fontaine … Regardez bien la forme des « mosaïques », à priori des tapettes à souris, mais n’y voit-on pas un corps féminin ??? Héhé quand je parlais d’impertinence … Auteur non identifié qui s’est aussi installé ailleurs dans la ville de ce que j’ai vu sur d’autres blogs.
En face se trouve l’estaminet Poechenennkelder. le Po-quoi ? « La cave du Polichinelle » …
Cette maison était décorée cet été de vélos en l’honneur du Tour de France qui partait de Bruxelles. Dans les années 80, c’était une véritable ruine.
En 1991, il est transformé en brasserie au nom imprononçable pour nous les français 😛 , mais c’est devenu depuis une institution.
Juste à côté se trouve le disquaire Arlequin avec des célébrités peintes sur ses murs. Jim Morrison et Bob Dylan en haut et John Lennon et Jimi Hendrix en bas sont l’œuvre du street artiste français Jef Aérosol. Dans l’angle de la boutique on trouve aussi Bruce Springsteen.
A noter la petite flèche rouge → , c’est la signature de l’artiste … et des titres « Born to be Wild » « All you need is Love » etc .. et « La Musique adoucit les Murs » !
On continue en longeant le Conservatoire Royal de Bruxelles, jusqu’à une petite rue sur la droite. Là au 19 rue du Chêne vous verrez une immense fresque.
Il s’agit du Manneken-PEACE. La fresque fut inaugurée le 21 septembre 2013, journée internationale de la Paix. Elle a été réalisé par l’artiste HMI, membre du collectif hip-hop bruxellois CNN199. C’est un des graffeurs-portraitistes les plus célèbres de Belgique.
Elle célèbre les 30 ans du hip-hop belge avec un clin d’oeil au Manneken-Pis qui cette année-là ne pouvait pas revêtir sa tenue de hip-hop comme il le faisait habituellement.
HMI y a laissé aussi sa petite griffe avec son « araignée au plafond« . D’origine belgo-marocain, il avait utilisé cette araignée pour accompagner ses caricatures lors du printemps arabe. Elle lui permet de nos jours d’exprimer son humeur notamment en critiquant la bêtise humaine dans le journal « Le Soir ».
Quelques autres « street art » aperçus dans la rue. Le « Hotdog Kid » de l’américain Pike 169 TCF, un collage qu’il a créé à partir d’un costume d’Halloween de son fils … avec la bulle « a New World Disorder ! » … un pochoir / stencil avec sa revendication … et une louve inspirée de la Louve de Rome mais dont je n’ai pas noté l’auteur, un clin d’oeil à la Maison de la Louve de la Grand-Place ?
En haut de la rue du Chêne, hors-sujet mais sympa, vous trouverez la statue réalisée en 2017 par Tom Frantzen et dédiée à Jacques Brel.
Je vous laisse ensuite imaginer ma fille remontant la rue en chantant à tue-tête « La Valse à mille temps » et les regards amusés que nous croisions … 😀 😀 (même pas honte ! )
Rue de la Chaufferette – « Out in the Streets »
Dans le quartier gay de Bruxelles se trouvent deux fresques du projet « Out in the Streets » porté par Urbana Project en 2015 (cf article Parcours BD) avec la Rainbowhouse. Elles portent sur la problématique de la liberté sexuelle et notamment sur le danger d’afficher ses choix dans l’espace public. A l’époque le constat avait été fait que la majorité des agressions à l’encontre des différentes communautés LGBTQ étaient des violences de rue.
Il y a aussi une troisième fresque plus polémique sur l’homophobie que nous n’avons pas vue.
La première fresque fait partie du parcours BD. Il s’agit de Conrad et Paul, un couple homosexuel vivant à Cologne, héros des bandes dessinées du dessinateur allemand Ralf König. La fresque a été réalisée en mai 2015 pour célébrer les 20 ans de la Gay Pride à Bruxelles. Autour de son héros Conrad, on trouve différents membres de la communauté LGBTQI sous les drapeaux arc-en-ciel. On voit même au centre un prêtre levé les yeux au ciel sous sa soutane à côté d’un porteur du ruban rouge de soutien aux victimes du VIH.
Dans la continuité de la rue, 11 portraits se dévoilent sur 40 mètres : transsexuel, homosexuels, bisexuel. C’est clairement une fresque sur la différence et la tolérance. Leur conception revient à l’artiste grecque portraitiste Fotini Tikkou.
En 2014, alors installée dans la capitale belge pour ses études, l’illustratrice grecque s’était associée au Pride Festival de Bruxelles. Elle avait ainsi créé une série d’une vingtaine de portraits autour du thème LGBTQI : » Homofilia : Out in the Street « . Sous forme de collages, on les retrouvait en plusieurs endroits du quartier gay, dont cette rue. Elle s’était pour les discours beaucoup inspirée de « clichés entendus au quotidien ». Et c’était la première à l’époque à oser recouvrir les murs de la capitale de portraits LGBT.
Vous pouvez en voir la majorité en suivant ce lien Fotini Tikkou Streetart 2014 . Merci au photographe Wen-Chi Su pour ces photos car la visibilité de ces œuvres en 2014 semblent avoir été assez réduite.
En mai 2015, onze de ces portraits étaient finalement réunis sous la forme de cette fresque, cette fois-ci permanente.
Tout l’intérêt de cette oeuvre est que les personnages y expriment leur ressenti, leurs craintes, ou leurs réponses aux remarques qu’ils reçoivent. Ils font passer leur message quelque soit leur origine, leur couleur ou leur genre. Respect.
Bien évidemment ce type de message ne plait pas à tout le monde et les fresques sont régulièrement vandalisées ou taguées.
En fait je connaissais déjà le travail d’illustratrice de Fotini Tikkou mais dans un tout autre univers, celui d’œuvres beaucoup plus douces et féminines, notamment sa série « Proud Bodies » aux femmes aux courbes très variées. Je la suivais déjà sur Instagram @Fotini Tikkou (sur son site aussi Fotini♥Tikkou Illustration). Elle est aussi illustratrice de livres pour enfants …
Donc après ma première surprise, je me suis rendue compte que finalement, c’était aussi son univers, celui de l’acceptance / de l’estime de soi, de la diversité, parfois celui des problèmes rencontrées par les femmes, et surtout de la tolérance.
On retrouve sur la fresque beaucoup de simplicité, de douceur dans les gestes, les courbes ou les couleurs, aucune agressivité. Juste des constats et des petites phrases qui font réfléchir. Un éveil de conscience comme elle l’a dit elle-même dans un reportage.
Donc non ce n’est pas une « streetartiste » dans le vrai sens du terme, mais elle a su faire passer avec élégance à travers la conception de ces dessins un grand nombre de questionnements et je lui dit « chapeau ! ».
Non loin de là sur la façade d’une boutique, cette magnifique femme-fleur m’a attirée. On y reconnait le travail d’Aydar, un artiste très discret dont on sait seulement qu’il vit à Paris. Ce beau collage se retrouve d’ailleurs à la Butte aux Cailles, mais vous en trouverez d’autres à Montmartre … et maintenant à Londres 😉 .
Le Collectif Farm Prod
FARM PROD est un crew/collectif installé à Bruxelles depuis 2003. Ses membres artistes-plasticiens arrivent à développer en travaillant ensemble tout un univers qui reste cependant homogène et adapté au contexte de leur intervention. Issus de la même formation artistique, ils ont au fil des ans développé chacun leurs compétences. On y trouve maintenant aussi bien des peintres, graffeurs, illustrateurs, que des graphistes, webdesigners ou vidéastes.
Dans le cadre de l’année Bruegel, le collectif Farm Prod a créé une magnifique fresque murale devant le musée des Beaux-Arts, le BOZAR, en s’intégrant dans un chantier en cours rue Baron Horta. De ce que j’ai pu trouver, cette fresque ne sera visible que jusqu’au 31 octobre 2019.
Ils y réinterprètent le XVIe siècle en s’inspirant de deux des expositions du musée : Bernard van Orley, Bruxelles et la Renaissance – et l’Estampe au temps de Bruegel.
On peut ainsi y voir des chasseurs inspirés de Bruegel, de drôles de bêtes façon Jérôme Bosch et le portrait de Marguerite d’Autriche par Van Orley.
Ce mur est en outre le point de départ d’un parcours de street art reliant 11 fresques à travers la ville, dans le cadre de l’Année Bruegel 2019 : Parcours Street Art Bruegel. Une partie de ces fresques sont aussi réalisées par Farm Prod et seront semble-t-il permanentes. Si cela vous intéresse, ils ont eu la bonne idée de faire un Avant (l’oeuvre les ayant inspirée) / Après (leur fresque) sur leur page Instagram @Farm Prod.
La Sagesse
Cette fresque se situe juste derrière la Place Royale, au 14 rue de Namur. On y voit les portraits de deux hommes assez âgés, entourés des mots : Entraide, raison, éthique, tonicité, agilité, franchise, domicile, amitié … Elle a été réalisée en 2015 par Spear pour le collectif Propaganza, dans le cadre d’une « ré-humanisation » de la rue, 7 œuvres ayant été créées.
Spear est un peintre belge qui réalise de magnifiques portraits. On a pu le voir ces derniers années sur les murs de pays d’Amérique Latine et Centrale, et en Afrique du Sud, dans des lieux assez improbables, mais dont l’abandon ou la pauvreté le plus souvent mettent en valeur la profondeur de ses portraits. Il utilise en effet sa peinture comme un moyen d’entrer en contact avec les populations et par là de découvrir leurs conditions de vie, de faire connaître les différences sociales.
En remontant plus haut dans la rue de Namur, il est possible de découvrir quelques autres fresques, dans des petites ruelles ou sur les hauteurs.
« It is only with the heart one can see clearly »
Depuis avril 2019 une nouvelle fresque peut être admirée dans l’Impasse de la Tête de Bœuf (ou rue du Marché aux Peaux). Elle a été inaugurée dans le cadre du Balkan Trafik, un festival consacré à la culture des pays du sud-est de l’Europe.
Cette fresque a été réalisée par un jeune artiste de Bosnie Herzégovine Rikardo Druškić et célèbre les liens et l’amitié entre les Bruxellois, les citoyens de l’UE et les citoyens des Balkans Occidentaux, d’où son titre « It is only with the heart one can see clearly »/ »On ne voit bien qu’avec le coeur » reprise du Petit Prince de St Exupéry.
Dans son blog il explique qu’il a voulu casser le fait de lier les mots « Bosnie » ou « Sarajevo » avec les idées de guerre, de sang ou de malheur. Il voulait porter un message d’espoir et de paix, avec une énergie positive.
Le choix des couleurs n’est pas anodin. Je reprends la description du Parcours StreetArt.
» La couleur bleue représente la paix, l’honneur, la confiance. Le rouge symbolise l’amour, le désir et le courage. Le blanc, quant à lui, représente la pureté, la propreté mais aussi la paix. Les dessins sont des symboles liés au thème de la réconciliation. Par exemple, la fleur est symbole de vie et d’espoir, les cœurs symbolisent un chemin de réconciliation mais les éléments principaux sont les personnages se tenant la main, véritable matérialisation du thème de la fresque. «
« On ne voit bien qu’avec le cœur » est aussi une invitation à regarder avec des yeux d’enfant, chacun interprétant l’oeuvre comme il le veut, sans à priori d’origine ou de culture. C’est une oeuvre abstraite et universelle.
Mur revendicatif
Sur la place Fontainas se trouve le siège central du syndicat historique CGSP, la Centrale Générale des Services Publics. Afin de couvrir les graffitis illégaux qui réapparaissaient régulièrement sur la façade de l’impasse de la Barbe, le syndicat a à priori passé commande pour une fresque revendicatrice et militante. On peut y voir des personnages rouges manifestant pour sans doute la liberté d’expression du peuple.
Malheureusement je n’ai pas trouvé son auteur.
En marge de cet article, je vous invite aussi à visionner ce petit reportage Youtube réalisé par Bruxelles Bondy Blog, un bon résumé du Street Art actuel sur Bruxelles, des tags et graffiti illégaux, aux collectifs reconnus ou aux artistes qui font du « business ». C’est court mais çà résume bien.
Source :
- Vivre à Bruxelles pour ses parcours Street Art (et bien d’autres pour visiter la ville)
- le site de L’Araignée au plafond de HMI
- Une fresque LGBT de 40 mètres .. un article sur la fresque de Fotini Tikou
- Homofilia- Out in the Street petit encart sur les premiers collages de Fotini Tikkou à Bruxelles en 2014
- Out in the Street la page dédiée aux fresques LGBTQI sur Urbana Project
- Les Œuvres Street Art quelques fresques emblématiques à découvrir
- Les Œuvres du Parcours Street Art —- sur le site du parcours « officiel » – petit bémol, si on voit un grand nombre d’œuvres, les artistes sont souvent oubliés !!! Gênant pour un site officiel ! Par exemple la fresque de Fotini Tikkou est relevée mais ne lui est pas attribuée !
- Quand une rue devient paysage – introduction rapide sur la fresque devant le BOZAR
- Balkan Trafik sur la fresque de Rikardo Druškić
Quelques parcours trouvés sur des blogs ou magazines en ligne, j’en rajouterai sans doute au fil de mes découvertes futures :
- Ginette Caramel ils ont bien marché pour découvrir la diversité du Street art bruxellois
- L’oeuvre de Bruegel à la sauce Street Art – pour découvrir une partir des fresques créées en 2019 pour le Parcours Bruegel