Retour sur l’exposition « Declarations » du brésilien Sebastiao Salgado au Musée de l’Homme à Paris pour les 70 ans de la Declaration Universelle des Droits de l’Homme.
Exposition DECLARATIONS – Musée de l’Homme (Paris)
L’exposition « Declarations » a eu lieu de décembre 2018 à novembre 2019 dans le cadre de la Saison « En Droits » au musée de l’Homme, à l’occasion des 70 ans de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme signée dans le Palais de Chaillot le 10 décembre 1948.
J’ai eu l’occasion de l’admirer en août 2019 … (hélas avec un soleil perçant qui m’a empêchée de prendre toutes les photos que j’aurais espéré).
Cette exposition est consacrée au travail du photographe et humaniste Sebastiao Salgado. Une trentaine de ses oeuvres choisies parmi ses 40 ans de carrière illustrent ainsi plusieurs articles de ce texte fondamental. Ces photos ont été réalisées dans une vingtaine de pays, dont l’Afghanistan, l’Angola, l’Algérie, la Bosnie, le Brésil, l’Éthiopie, la France, Hong Kong, l’Inde, l’Indonésie, ou la Tanzanie.
Ces oeuvres accrochées pour certaines en grand format sur les murs du musée, en noir et blanc, interpellent, invitent à la réflexion …. 40 ans d’images et quelques phrases …. 40 ans de visages, de regards, de gestes dur quotidien, d’un quotidien qui semblent de pas vouloir changer … guerres, famines, camps de réfugiés … les images anciennes semblent les mêmes, se renouveler de nos jours … 40 ans de dignité, de droits à l’éducation, au respect de sa religion … droits toujours bafoués de nos jours …
Un texte qui devait garantir aux hommes tant de choses … mais où en sommes-nous aujourd’hui ?
« Les droits de l’Homme, ce n’est pas une loi votée par les populations, c’est une référence pour le respect de la communauté des êtres humains. » – S.Salgado
Salgado a souvent été accusé de « voyeurisme esthétique ». Aucune couleur dans ses photos. La couleur embellie, détourne du sujet, de l’émotion. Le noir et blanc permet pour lui de ressentir en soi la profondeur d’un regard, la courbe d’un relief …
Sa réponse à ses détracteurs dans le livre « De ma terre à la terre » était :
« Ce ne sont pas les photographes qui créent les catastrophes. Elles sont les symptômes des dysfonctionnements de ce monde auquel nous participons tous. Les photographes ne sont pas là pour servir de miroir, comme les journalistes. Et qu’on ne me parle pas de voyeurisme ! Les voyeurs, ce sont les politiques qui ont laissé faire et les militaires qui ont facilité la répression au Rwanda. Ce sont eux, les responsables, ainsi que le Conseil de sécurité des Nations unies qui, par tous ses manquements, n’a pas empêché que des millions d’assassinats soient commis. »
… une réponse qui pourrait toujours être de mise. A bon entendeur …….
Biographie de Sebastiao SALGADO
Salgado est né au Bresil en 1944. Il grandit dans une ferme au milieu de la forêt tropicale. Il obtient une maîtrise d’économie à Sao Paulo. Militant des Jeunesses communistes, il fuit la dictature brésilienne avec sa femme en 1969. C’est en France qu’il trouve refuge et continue ses études avec un doctorat d’économie agricole à l’ENSAE à Paris, et des stages pour la FAO, l’organisation des Nations Unis pour l’Alimentation et l’Agriculture. En 1973, après deux ans de travail pour l’Organisation Internationale du Café, il interrompt brutalement sa carrière.
« J’emportais mon appareil photo pour mes enquêtes et je me suis aperçu que les images me donnaient dix fois plus de plaisir que les rapports économiques. Je commençais à voir le monde d’une autre manière, à travers le viseur et par un contact direct avec les gens. En fait, j’ai continué à faire la même chose : dresser un constat de la réalité. »
Photographe autodidacte, il intègre comme freelance plusieurs agences (Sygma, Gamma, Magnum .. ). On lui doit nombre de reportages photos. II a ainsi couvert la guerre en Angola et au Sahara espagnol ou la prise des otages israéliens à Entebbe. En Europe, il a travaillé sur les conditions de vie des immigrés (1979) ou sur la Cité des 4000 de la Courneuve (1978).
Il travaille le plus souvent sur des projets à long terme conduisant à des expositions ou des livres.
Salgado parcourt le monde. Il va dans les recoins les plus reculés d’Amérique latine pour son livre Autres Amériques (1986) traitant des cultures paysannes de la résistance culturelle des Indiens de ce continent.
Avec Médecins sans frontières, il parcourt le Sahel frappée par la sécheresse et la famine, le Rwanda, l’Ethiopie, des pays ravagés par la guerre et la misère. Il témoigne de la dureté des camps de réfugies dans l’ouvrage Sahel. L’Homme en détresse (1986).
Avec ses images fortes en noir et blanc, il cherche à informer, à transmettre un message. De 1986 à 1992, il va parcourir les continents s’intéressant au système de production mondial. II souhaite faire voir et comprendre l’évolution du travail manuel (dans La Main de l’homme 1993), que ce soit le travail des champs, des industries, des mines.
En 1994 il crée l’agence Amazonas Images avec sa femme. Ses sujets de l’époque sont en rapport avec les conditions de travail difficiles voire extrêmes des brésiliens. Son reportage le plus connu concerne les mineurs de la mine d’or de Serra Pelada. Ses photos feront le tour du monde. il publie aussi Terra (1997) sur la lutte des paysans pauvres.
C’est aussi le début des grandes migrations civiles à travers le monde suite à des événements politiques débouchant ou non sur des conflits armés, ou aussi à l’industrialisation des pays pauvres induite par des multinationales, qui attirent les paysans vers les villes.
Salagado effectue plusieurs dizaines de reportage sur ce sujet. Il en tirera Exodes, (2000) et les Enfants de l’exode dédié au sort des enfants de ces populations déplacées, réfugiés ou migrants. On y voit par exemple les populations réfugiées d’Irak ou d’Afghanistan ou les populations en quête d’un travail des bidonvilles du Sud.
« Plus que jamais, je sens que la race humaine est une. Au-delà des différences de couleur, de langue, de culture et de possibilités, les sentiments et les réactions de chacun sont identiques. Les gens fuient les guerres pour échapper à la mort ; ils émigrent pour améliorer leur sort ; ils se forgent de nouvelles existences dans des pays étrangers : ils s’adaptent aux pires situations… »
En 2001 il devient ambassadeur de bonne volonté de l’UNICEF. Il travaillera à documenter la campagne d’éradication de la poliomyélite avec l’OMS et l’Unicef.
Au début des années 2000 il rentre au Bresil. Il a vu depuis des dizaines ce qu’il y a de pire en l’humanité sur Terre …
« Je n’avais jamais imaginé que l’homme puisse être une espèce aussi cruelle envers elle-même ; je n’arrivais pas à l’accepter. J’étais déprimé, je sombrais dans le pessimisme ».
Salgado et sa femme, militants écologistes, vont travailler à la récupération de l’environnement d’une partie de la Forêt Atlantique (la Mata Atlantica) dans l’état du Minas Gerais. Ils y ont acquis une parcelle de terre de 700 hectares. Moins de 1% comptait alors encore de la forêt. Le reste était aride, dévasté par la déforestation ou la surexploitation des ressources (minerais). Ils y ont créé la même année l’Instituto Terra qui a pour mission la reforestation et l’éducation environnementale. En 2019 ils avaient replanté plus de 600 hectares de forêt, 2 millions d’arbres dont de très nombreuses espèces endémiques, ce qui a permis le retour des espèces animales. Le site est devenu Réserve naturelle nationale. Hélas une goutte d’eau dans l’océan de la déforestation 🙁
A partir de 2004, son nouveau projet, Genesis (2013), est consacré à la recherche de la nature dans son état originel., ce qu’il y a de « plus beau sur la planète », préservé de la machine humaine, que ce soient la faune, la flore ou même des communautés primitives.
En 2014 il est le sujet du documentaire « Le Sel de la Terre » réalisé par son fils et Wim Wenders.
En 2016 il offre à l’association Reporters Sans Frontieres 100 de ses plus belles photos, afin de défendre la liberté de la presse.
Il est membre aussi de l’Académie des Beaux-Arts de l’Institut de France depuis 2016.
Sources :
- Salgado sur Wikipedia
- un dossier lui est consacré sur le site de la BNF, dans lequel sont visibles un certain nombre de photos issues de ses reportages (conseil : cliquez sur les images pour les voir en grand) BNF – Salgado
- d’autres de ses oeuvres sont visibles sur la galerie virtuelle : PolkaGalerie
- fiche de l’Academie des Beaux-Arts Salgado à l’Academie
- article consacré à Salgado sur le site specialisé en photographie Phototrend.fr
- Article dans Geo sur la reforestation du domaine de Salgado au Bresil 600 hectares de forêt tropicale replantés
- la page de l’exposition sur le site du Musée de l’Homme Exposition Photo Sebastiao Salgado
- d’autres photos de l’exposition sur le site Arts in the City